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Bachelard, Baudelaire, Descamps, Jaccottet, Jean-Jacques Rousseau, Jean-Philippe Kempf, Leopardi, Verlaine
La rêverie
“Dans une solitude où l’on se tient compagnie à soi-même loin de l’ennui du monde et de l’autre frustrant, la rêverie est l’activité de l’esprit qui concilie subtilement la contrainte du réel et les exigences du désir. Elle sert au rêve de façade, au symptôme de motif et est à l’artiste une source d’inspiration. “
Freud, L’ interprétation des rêves.
Il est dans la nature de l’homme, quel qu’il soit, la faculté d’aller à la rêverie. En français le verbe rêver est extrêmement équivoque. Lorsque Rousseau écrit : « J’aime encore mieux rêver éveillé qu’en songe », il veut dire qu’il préfère faire des rêveries pendant la journée, du type des Rêveries d’un promeneur solitaire, que d’avoir des rêves pendant son sommeil. Rêver peut signifier avoir un rêve nocturne pendant le sommeil, faire une rêverie, réaliser un rêve éveillé, imaginer ce qu’il y a de plus beau, croire à l’impossible, etc. Les substantifs sont plus précis: la rêverie se fait éveillé alors que le rêve a lieu pendant le sommeil. Freud oppose le rêve diurne (Tagtraum) au rêve nocturne (Nachtraum); on devrait distinguer clairement le rêve éveillé, le rêve endormi et la rêverie. La même distinction se fait dans le verbe rêver, par les particules : rêver à, n’est pas rêver de. Rêver à (l’avenir) se fait éveillé en principe dans la journée, alors que rêver de (sa mort) a lieu dans le sommeil, en principe la nuit.
L’étymologie du mot rêver révèle essentiellement son sens dépréciatif. Rêver, c’est délirer, sortir du sillon. Celui qui rêve, divague et extravague. Le mot rêve semble en effet venir du latin vagus (vagabond, qui erre ça et là, à l’aventure), d’où le verbe esver et resver au XIIIe siècle, « errer, aller ça et là pour son plaisir ».
La rêverie est l’errance de la pensée, une divagation extravagante. Mais le dictionnaire Littré rapproche l’anglais, to rave, avoir le délire, le moyen haut-allemand reben, du latin rabies, la rage, ou plutôt l’anglais to rove et le danois roeve, errer, vagabonder, avoir le délire. L’image de l’errant, du vagabond qui ne sait où il va, traduirait donc le vécu du rêveur qui, désarmé, ne sait plus où il va, et aussi le caractère décousu du rêve, qui erre ça et là.
Il y a donc eu nettement glissement de sens. Et cela s’est fait au dix-septième siècle et au dix-huitième siècle lorsqu’en français le verbe resver s’est mis à remplacer l’ancien songer qui s’est affadi. Nous pouvons voir là une victoire du rationalisme bourgeois qui dévalorise le songe. Car le mot songe est un terme de la plus haute antiquité qui a toujours eu une résonance positive ou emphatique. Le songe vient du sommeil, le mot songe vient de somnium lié à somnus « le sommeil » (en provençal somne, somje, songe), comme le français « assoupit » par le latin sopor vient du grec upnos (pour swopnos) proche du sanskrit svapnah, de la racine indo-européenne swep.
Ce n’est pas pour rien que pour les Grecs les Songes étaient des divinités, fils du Sommeil, qui la nuit sortaient des Enfers par la porte de corne (et les rêves par la porte d’ivoire) pour pénétrer dans les demeures des hommes. Les songes sont donc bien « les visions de la nuit ». « Je dors mais mon cœur veille », comme la bien-aimée du Cantique des cantiques (V. 2).
Ainsi, toute l’étymologie du rêve nous conduit à distinguer et à opposer le rêve et le songe.
Marc-Alain Descamps
né en 1930, Marc-Alain Descamps est un enseignant, philosophe et psychologue français, professeur de yoga et écrivain.Il a enseigné la psychologie à la Sorbonne, puis à l’Université René Descartes ( Paris V) de 1966 à 1994. Il a été psychanalyste et didacticien du GIREP (Groupe International du Rêve-Éveillé en psychanalyse). Fondateur de l’Association Française du transpersonnel (AFT),il a étudié les différentes techniques de rêves dans ses voyages au Mexique à Bornéo et en Malaisie. Par ailleurs, après avoir voyagé dans tout l’Orient, il enseigne le yoga et se passionne pour la recherche spirituelle dans la rencontre Orient-Occident. Il est membre du comité d’honneur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). Il nous dit ceci :
“Lorsqu’il commence à écrire les Rêveries en 1776, Jean-Jacques Rousseau est à l’automne de sa vie et la fin est proche, il est dans la précarité, se pense à l’index, mais il poursuit ce qui lui est la suite des Confessions, des méditations, des promenades, le sensible que procure la rêverie. «
Jean-Jacques Rousseau
Quand le soir approchait je descendais des cimes de l’île et j’allais volontiers m’asseoir au bord du lac sur la grève dans quelque asile caché ; là le bruit des vagues et l’agitation de l’eau fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation la plongeaient dans une rêverie délicieuse où la nuit me surprenait souvent sans que je m’en fusse aperçu. Le flux et reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi et suffisait pour me faire sentir avec plaisir mon existence sans prendre la peine de penser. De temps à autre naissait quelque faible et courte réflexion sur l’instabilité des choses de ce monde dont la surface des eaux m’offrait l’image : mais bientôt ces impressions légères s’effaçaient dans l’uniformité du mouvement continu qui me berçait, et qui sans aucun concours actif de mon âme ne laissait pas de m’attacher au point qu’appelé par l’heure et par le signal convenu je ne pouvais m’arracher de là sans effort.
S’il est un état où l’âme trouve une assiette assez solide pour s’y reposer tout entière et rassembler là tout son être, sans avoir besoin de rappeler le passé ni d’enjamber sur l’avenir ; où le temps ne soit rien pour elle, où le présent dure toujours sans néanmoins marquer sa durée et sans aucune trace de succession, sans aucun autre sentiment de privation ni de jouissance, de plaisir ni de peine, de désir ni de crainte que celui seul de notre existence, et que ce sentiment seul puisse la remplir tout entière ; tant que cet état dure celui qui s’y trouve peut s’appeler heureux, non d’un bonheur imparfait, pauvre et relatif tel que celui qu’on trouve dans les plaisirs de la vie, mais d’un bonheur suffisant, parfait et plein, qui ne laisse dans l’âme aucun vide qu’elle sente le besoin de remplir. Tel est l’état où je me suis trouvé souvent à l’île de Saint-Pierre dans mes rêveries solitaires, soit couché dans mon bateau que je laissais dériver au gré de l’eau, soit assis sur les rives du lac agité, soit ailleurs au bord d’une belle rivière ou d’un ruisseau murmurant sur le gravier.
De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d’extérieur à soi, de rien sinon de soi-même et de sa propre existence, tant que cet état dure on se suffit à soi-même comme Dieu. Le sentiment de l’existence dépouillé de toute autre affection est par lui-même un sentiment précieux de contentement et de paix, qui suffirait seul pour rendre cette existence chère et douce à qui saurait écarter de soi toutes les impressions sensuelles et terrestres qui viennent sans cesse nous en distraire et en troubler ici-bas la douceur. Mais la plupart des hommes, agités de passions continuelles, connaissent peu cet état, et ne l’ayant goûté qu’imparfaitement durant peu d’instans n’en conservent qu’une idée obscure et confuse qui ne leur en fait pas sentir le charme.
Rousseau, Les Rêveries du Promeneur solitaire, Gallimard, Ed. de la Pléiade 1972. Cinquième Promenade, p. 1045-1047.
Gaston Bachelard
Mais la rêverie ne raconte pas. Ou, du moins, il est des rêveries si profondes, des rêveries qui nous aident à descendre si profondément en nous qu’elles nous débarrassent de notre histoire. Elles nous libèrent de notre nom. Elles nous rendent, ces solitudes d’aujourd’hui, aux solitudes premières. Ces solitudes premières, ces solitudes d’enfant, laissent, dans certaines âmes, des marques ineffaçables. Toute la vie est sensibilisée pour la rêverie poétique, pour une rêverie qui sait le prix de la solitude. L’enfance connaît le malheur par les hommes. En la solitude, il peut détendre ses peines. L’enfant se sent fils du cosmos quand le monde humain lui laisse la paix. Et c’est ainsi que dans ses solitudes, dès qu’il est maître de ses rêveries, l’enfant connaît le bonheur de rêver qui sera plus tard le bonheur des poètes. Comment ne pas sentir [85] qu’il y a communication entre notre solitude de rêveur et les solitudes de l’enfance ? Et ce n’est pas pour rien que, dans une rêverie tranquille, nous suivons souvent la pente qui nous rend à nos solitudes d’enfance.
Laissons alors à la psychanalyse le soin de guérir les enfances malmenées, de guérir les puériles souffrances d’une enfance indurée qui opprime la psyché de tant d’adultes. Une tâche est ouverte à une poético-analyse qui nous aiderait à reconstituer en nous l’être des solitudes libératrices. La poético-analyse doit nous rendre tous les privilèges de l’imagination. La mémoire est un champ de ruines psychologiques, un bric-à-brac de souvenirs. Toute notre enfance est à réimaginer. En la réimaginant, nous avons chance de la retrouver dans la vie même de nos rêveries d’enfant solitaire.
Dès lors, les thèses que nous voulons défendre en ce chapitre re- viennent toutes à faire reconnaître la permanence, dans l’âme humaine, d’un noyau d’enfance, une enfance immobile mais toujours vi- vante, hors de l’histoire, cachée aux autres, déguisée en histoire quand elle est racontée, mais qui n’a d’être réel que dans ses instants d’illumination — autant dire dans les instants de son existence poétique.
Quand il rêvait dans sa solitude, l’enfant connaissait une existence sans limite. Sa rêverie n’était pas simplement une rêverie de fuite. C’était une rêverie d’essor.
La poétique de la rêverie p. 104 PUF 4ème édition
Arthur Rimbaud
Sensation
Par les soirs bleus d’été,j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés,fouler l’herbe menue:
Rêveur,j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai à rien:
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la nature,heureux comme avec une femme.
Lire ici sensation liée à la rêverie : Quelles facultés et vérités naissent de la sensation ?
Baudelaire
La chambre double, une chambre, des parfums, le fétichisme pour une femme, et le temps qui s’évapore. Cela bouleverse et ensuite la disparition de la chambre, celle aussi du parfum et enfin le temps étale et silence.
Charles Baudelaire, La Chambre double
Une chambre qui ressemble à une rêverie, une chambre véritablement spirituelle, où l’atmosphère stagnante est légèrement teintée de rose et de bleu.
L’âme y prend un bain de paresse, aromatisé par le regret et le désir. — C’est quelque chose de crépusculaire, de bleuâtre et de rosâtre ; un rêve de volupté pendant une éclipse.
Les meubles ont des formes allongées, prostrées, alanguies. Les meubles ont l’air de rêver ; on les dirait doués d’une vie somnambulique, comme le végétal et le minéral. Les étoffes parlent une langue muette, comme les fleurs, comme les ciels, comme les soleils couchants.
Sur les murs nulle abomination artistique. Relativement au rêve pur, à l’impression non analysée, l’art défini, l’art positif est un blasphème. Ici, tout a la suffisante clarté et la délicieuse obscurité de l’harmonie.
Une senteur infinitésimale du choix le plus exquis, à laquelle se mêle une très-légère humidité, nage dans cette atmosphère, où l’esprit sommeillant est bercé par des sensations de serre-chaude.
La mousseline pleut abondamment devant les fenêtres et devant le lit ; elle s’épanche en cascades neigeuses. Sur ce lit est couchée l’Idole, la souveraine des rêves. Mais comment est-elle ici ? Qui l’a amenée ? quel pouvoir magique l’a installée sur ce trône de rêverie et de volupté ? Qu’importe ? La voilà ! je la reconnais.
Voilà bien ces yeux dont la flamme traverse le crépuscule ; ces subtiles et terribles mirettes, que je reconnais à leur effrayante malice ! Elles attirent, elles subjuguent, elles dévorent le regard de l’imprudent qui les contemple. Je les ai souvent étudiées, ces étoiles noires qui commandent la curiosité et l’admiration.
À quel démon bienveillant dois-je d’être ainsi entouré de mystère, de silence, de paix et de parfums ? Ô béatitude ! ce que nous nommons généralement la vie, même dans son expansion la plus heureuse, n’a rien de commun avec cette vie suprême dont j’ai maintenant connaissance et que je savoure minute par minute, seconde par seconde !
Non ! il n’est plus de minutes, il n’est plus de secondes ! Le temps a disparu ; c’est l’Éternité qui règne, une éternité de délices !
Mais un coup terrible, lourd, a retenti à la porte, et, comme dans les rêves infernaux, il m’a semblé que je recevais un coup de pioche dans l’estomac.
Et puis un Spectre est entré. C’est un huissier qui vient me torturer au nom de la loi ; une infâme concubine qui vient crier misère et ajouter les trivialités de sa vie aux douleurs de la mienne ; ou bien le saute-ruisseau d’un directeur de journal qui réclame la suite du manuscrit.
La chambre paradisiaque, l’idole, la souveraine des rêves, la Sylphide, comme disait le grand René, toute cette magie a disparu au coup brutal frappé par le Spectre.
Horreur ! je me souviens ! je me souviens ! Oui ! ce taudis, ce séjour de l’éternel ennui, est bien le mien. Voici les meubles sots, poudreux, écornés ; la cheminée sans flamme et sans braise, souillée de crachats ; les tristes fenêtres où la pluie a tracé des sillons dans la poussière ; les manuscrits, raturés ou incomplets ; l’almanach où le crayon a marqué les dates sinistres !
Et ce parfum d’un autre monde, dont je m’enivrais avec une sensibilité perfectionnée, hélas ! il est remplacé par une fétide odeur de tabac mêlée à je ne sais quelle nauséabonde moisissure. On respire ici maintenant le ranci de la désolation.
Dans ce monde étroit, mais si plein de dégoût, un seul objet connu me sourit : la fiole de laudanum ; une vieille et terrible amie ; comme toutes les amies, hélas ! féconde en caresses et en traîtrises.
Oh ! oui ! Le Temps a reparu ; Le Temps règne en souverain maintenant ; et avec le hideux vieillard est revenu tout son démoniaque cortège de Souvenirs, de Regrets, de Spasmes, de Peurs, d’Angoisses, de Cauchemars, de Colères et de Névroses.
Je vous assure que les secondes maintenant sont fortement et solennellement accentuées, et chacune, en jaillissant de la pendule, dit : — « Je suis la Vie, l’insupportable, l’implacable Vie ! »
Il n’y a qu’une Seconde dans la vie humaine qui ait mission d’annoncer une bonne nouvelle, la bonne nouvelle qui cause à chacun une inexplicable peur.
Oui ! le Temps règne ; il a repris sa brutale dictature. Et il me pousse, comme si j’étais un bœuf, avec son double aiguillon. — « Et hue donc ! bourrique ! Sue donc, esclave ! Vis donc, damné ! »
Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose, 1869
Il y a une puissance dans la rêverie. Une puissance et une extrême précision alors que l’on pense à tort à quelque chose de vague, de flou, d’indéfinissable, d’indéterminé, d’informé, d’évasif, de fuyant, alors que sa précision se situe dans cet état second entre veilles est sommeil comme le rappelle Dominique Pagani le philosophie en citant Verlaine et son Art poétique :
Paul Verlaine
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Ou l’Indécis au Précis se joint.
Et c’est là que la censure se relaxe un peu, les forces déterminantes commencent par s’éveiller, le refoulement s’estompe, on quitte la journée, ce que l’on doit faire ceci et cela, ne pas faire ni ceci ni cela non plus, ne pas faire, ne pas dire. Par la rêverie, le songe, la liberté prend son envol. C’est le Soi qui s’exprime, le vrai Soi, – la conscience d’être ce que l’on est, ce que l’on n’est pas, n’est plus, aurait du être… – et non pas celui qui semblerait inné, mais la recherche d’une harmonie fondamentale, la recherche d’un épanouissement, la recherche de pensées fortifiantes, un instant d’existence dépourvue de conflits, et ce par ce que je suis de ceux qui pense aussi que l’expérience de l’existence est tragique.
C’est par la rêverie que chacun et quelques soit les événements et l”époque, sentir émerger des songes qui métamorphosent le réel pour élaborer un monde intérieur dont le mouvement de notre désir et de nous combler jusqu’à l’apaisement. Les songes flottants contiennent la teneur poétique de nos désirs en revisitant ce que furent certains moments fugaces de notre passé. Ce qui est recherché c’est d’être rassasié, de voir notre besoin de consolation un moment recouvert d’un baume par la rêverie. Mais la rêverie vient buter sur la nature des choses aujourd’hui encore.
Giacomo Leopardi
Giacomo Leopardi, est né le 29 juin 1798 à Recanati (États pontificaux) et mort le 14 juin 1837 à Naples (Royaume des Deux Siciles), est un poète, philosophe, écrivain, moraliste et philologue italien, considéré comme le plus grand poète de langue italienne du xixe siècle et une des plus importantes figures de la littérature mondiale ainsi que du romantisme littéraire.La qualité lyrique de sa poésie lui a donné une influence internationale sur les générations suivantes. Sa méditation métaphysique et lyrique sur le tragique de l’existence en fait un précurseur de Schopenhauer, de Nietzsche, de Freud, de Cioran. Il nous oblige à voir de très loin notre petite humanité, perdue sur un petit espace dans l’Univers, alors que l’homme s’en croit le centre.
Écrites en 1824, les Operette Morali déclinent vingt-quatre dialogues platoniciens invoquant Prométhée, la Terre et la Lune, Christophe Colomb, la Mort… Avec ces pastiches, Giacomo Leopardi tourne « en comédie les vices des grands, les principes des calamités et de la misère humaine, les absurdités de la politique, les incongruités de la morale et de la philosophie… », ainsi qu’il l’écrit dans Zibaldone (Allia).
Les principes de calamités d’aujourd’hui, ce à quoi vient se heurter notre rêverie.
Est-ce que les séries télévisées d’aujourd’hui, – vous allez me dire : » il suffit d’éteindre le poste et de prendre un beau livre »- et il en va de même pour tout ce qui est formaté et de production de masse. Les sociologues et les chercheurs qui s’emparent du sujet constatent que ces marchés sont en expansion constante. Tout semble conçu sur des modèles standardisés pour la captation de l’attention au détriment de la rêverie ou assujetti à la médiocrité qui vient heurter la rêverie. Ne serait-ce pas un système où quelque chose s’est irrémédiablement déréglé. C’est là que vient se heurter la rêverie. Pour quoi faire tout ça ? Nous maintenir dans d’autres servitudes volontaires avec l’extrême médiocrité et la “fausse conscience”, comme le dit également Carlo Strenger et j’ajoute “de presque tout aujourd’hui”. Que devient la rêverie quand elle vient se heurter au retrait critique que nous devons faire, retrait imposé par la nécessité d’un regard conscient ?
Philippe Jaccottet
L’œuvre de Philippe Jaccottet abonde en rêveries diverses dont la substance commune est un imaginaire du repos. Et qui mieux que lui sait rendre compte de ce qui vient heurter la rêverie.
Lire : Paysage avec figures absentes : p. 73
Enfin, poursuivons nos rêveries, afin qu’un droit chemin ne nous soit pas ôté.
Jean Philippe Kempf
Et les rêves qu’éveillent les narcotiques, dans Rimbe, Enfances I :
…les fleurs de rêve tintent, éclatent, éclairent, — la fille à lèvre d’orange, les genoux croisés dans le clair déluge qui sourd des prés, nudité qu’ombrent, traversent et habillent les arcs-en-ciel, la flore, la mer.