Souvent présenté comme un satellite de la constellation surréaliste, Joseph Cornell est une figure essentielle de l’art américain du XXe siècle. Parler de cet artiste dévoile les échanges entre les scènes américaines et européennes. Joseph Cornell ne quittera jamais les USA.

Né en décembre 1903 à New-York, il y meurt en décembre 1972. Il a eu l’occasion de fréquenter poètes et artistes tels que Paul Eluard, Max Ernst, Dali, Magritte, Yves Tanguy ou Pierre Roy et ces rencontres déterminent sa méthode de travail. Il entend explorer une part plus poétique de l’imaginaire. Influencé par les collages de Max Ernst, il reste cependant un farouche indépendant et André Breton écrit de lui :  » Joseph Cornell a médité une expérience qui bouleverse les conventions de l’usage des objets. « 

Joseph Cornell est un sculpteur. Assemblages, collages, montages, constructions mêlent insolite et familiarité. Pionnier des assemblages, il crée à partir d’objets trouvés. La plupart du temps ce sont des boîtes en bois avec couvercle vitré dans lesquelles il rassemble photos et objets très diversifiés. Les tiroirs secrets sont pleins d’humour. Les boîtes sont interactives et prévues pour être manipulées. Créer de la poésie à partir d’objets banals par une juxtaposition irrationnelle de laquelle se dégage une grande nostalgie, voilà ce que cherche Cornell. Une série d’assemblages sera photographiée par Henry Miller.

Cornell réalise également de nombreux collages qui deviendront chers à André Breton, Max Bucaille, Paul Eluard, Valentine Penrose et Max Ernst bien sûr. Il influencera Calder et ses mobiles. Cornell conserva plus de160 dossiers documentaires sur tous les sujets qui l’intéressaient. Ces dossiers concernaient par exemple les starlettes de Hollywood auxquelles il dédiait ses boîtes.

Ce fut aussi un grand cinéphile qui admirait les Frères Lumière et Georges Méliès. Avec ses films-collages, Cornell transforme totalement le film d’origine. Pour le film Rose-Hobar réalisé en 1936, les images sont extraites de leurs séquences initiales, la vitesse de projection est ralentie, le film est projeté à travers un filtre bleu pour donner un esprit onirique et mélancolique et la bande sonore est remplacée par une musique plus latine. Le film ainsi transformé devient un hommage au personnage féminin qu’il imprègne de mystère et de rêverie. Anecdote. En 1936 lors du vernissage du film au MOMA à New-York, Dali est présent. La projection du film déclenche sa fureur. Il proclame qu’il a eu lui aussi l’idée d’appliquer au cinéma les techniques de collage. De nature timide, Cornell renonce à montrer ses autres films-comédies, contes de fées animés, séquences d’animaux acrobates, etc. En 1960, le réalisateur Lawrence Jordan montrera tous les films de Cornell.

Cependant, à l’issue de la seconde guerre mondiale, les artistes surréalistes exilés aux Etats-Unis reviennent en Europe. Cornell reste seul aux Etats-Unis où il va énormément travailler pendant plus de vingt années. Son œuvre est dans sa pleine maturité. Ces années correspondent à une phase importante de son rayonnement en Amérique. En 1965, il perd son frère Robert qu’il aimait beaucoup et lui rend de multiples hommages dans son œuvre.

Le côté formel du surréalisme dans les arts semble s’éteindre aux Etats-Unis en faveur d’un arrangement des formes, des lignes et des volumes pour devenir l’Expressionnisme Abstrait dont Pollock est le représentant le plus connu.

  • 1966 première rétrospective consacrée à Cornell en Californie.
  • 1967 deuxième rétrospective au Musée Guggenheim de New-York.
  • 1968 Cornell est récompensé par l’Académie Américaine des Arts et des Lettres.
  • 1971 Première exposition de Cornell en Europe, à Turin.

Vers la fin de sa vie, Joseph Cornell élabore de nouvelles séries en s’ouvrant à des sources d’inspiration démultipliées et son œuvre annonce des mouvements aussi divers que :

  • le Pop Art des années 50 né en Angleterre et en Amérique et qui utilisait des images populaires en opposition à la culture élitiste. Exemple : les  Marilyn Monroe’s d’Andy Warhol.
  • le Minimal Art des années 60 qui débarrasse l’œuvre de ses ornements et de son maniérisme ;  il est contre l’expressionnisme abstrait et contre la société de consommation et son ordre établi.

En conclusion, Cornell a puisé son inspiration dans la création américaine contemporaine enrichie de sa fréquentation des Surréalistes européens. En 2013, l’exposition consacrée à Cornell à Lyon, offrit à découvrir une figure essentielle de l’art américain dont les préoccupations constantes étaient la découverte de la Poésie au quotidien, le Merveilleux produit par les objets en mouvement, l’expérience du Toucher, l’éveil des Sens et, en accord parfait avec les surréalistes, la subversion des définitions conventionnelles de l’œuvre d’art .

Marie de Valon